Deux grands films à la suite, rare ! Avec White material, Claire Denis arrive presque à surpasser son chef-d’œuvre de l’année passée 35 Rhums.
Dans un pays africain, dont le nom n’est jamais donné, Maria (Isabelle Huppert) tient une plantation de café et refuse de l’abandonner alors qu’une guerre civile est prête à éclater. La réalisatrice montre l’état d’un continent au bord de l’explosion et en attente de sa revanche sur le matériel blanc. White material implante l’idée de post-colonisation. Alors que tous les Africains veulent fuir loin des rebelles, les blancs, au contraire, restent dans leurs plantations, non pas pour défendre leurs biens, mais parce qu’ils ne croient pas en l’insurrection des rebelles.
Claire Denis donne à son film une atmosphère inquiétante et dure à supporter. On sent que ça va « pêter », que l’horreur va arriver, mais on ne sait pas quand ni comment. Ce qui importe alors c’est le temps qui reste et comment le combler. D’ailleurs il n’est question que de temporalité, ici. Maria veut finir la cueillette des grains de café avant que la saison ne soit finie, elle refuse de quitter sa maison pour ne pas perdre un seul instant. Quant à son fils (Nicolas Duvauchelle), amorphe, il passe ses journées dans son lit à attendre que cela passe. Claire Denis exprime, ici, le fameux dicton qui dit que l’Europe possède les montres alors que l’Afrique a le temps.
On le sait, depuis le cinéma d’avant garde et surtout depuis Epstein, le cinéma est un art du temps. Il est capable de le dilater, de l’étirer, le renverser, etc. Mais Claire Denis ne se sert que d’un seul artifice pour compromettre la narration : le montage. Les séquences déconstruisent le film, c’est un puzzle que l’on doit mentalement faire pour tout remettre en place et ainsi obtenir une continuité dans la narration et l’intrigue. C’est lors de chaque raccord, dans cet interstice de jointures, que le doute est posé. Ainsi des rebelles marchant dans la jungle peuvent être poursuivis par l’armée régulière dans la vision du spectateur, mais pas dans le montage de la réalisatrice. C’est grâce ou à cause de ce montage et de ces effets de temporalité que White material est parfaitement insoutenable, il n’offre aucun repis. Claire Denis joue avec nos nerfs comme l’armée joue avec la vie du fils de Maria, en le regardant dans la maison en feu. Sa mise en scène et les moments de haute tension ne permettent pas de décrocher le regard de l’écran et de ce qui va suivre.
Alors qu’il aurait tout pour faire peur, Claire Denis, par une main experte, mène son film tambour battant, magiquement interprété par des acteurs de talent. Christophe Lambert entre autres signe un rôle magistral de père et d’homme en fuite. Et si l’abandon de la Françafrique fait la Une de tous les journaux, ce film permet de reparler d’un continent en détresse.
White Material
un film de Claire Denis, sortie le 24 mars 2010
écrit avec Marie N’Diaye
avec Isabelle Huppert, Isaach de Bankolé, Christophe Lambert
ce film est surtout beau, la beauté du paysage et la sensualité avec laquelle claire denis filme sont puissantes. L'émotion est forte mais il n'est pas insoutenable la violence est finalement très peu présente à l'état brut dans les images, (du moins on a vu pire). jetez un œil à ma critique si vous voulez.
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