Obèse mais pas trop (Precious)

Ou comment Sundance s’enlise. Présenté au dernier festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, le film de Lee Daniels s’embourbe dans les clichés du film d’auteur américain. Precious, une adolescente noire américaine n’a rien pour elle, analphabète, obèse, violée par son père, mère d’un jeune enfant trisomique et enceinte d’un deuxième. Virée de son lycée, elle commence une école adaptée où une gentille professeur (Paula Patton) va prendre soin d’elle et l’aider à endurer les épreuves de la vie (et il y en a une bonne liste qui l’attend encore !).
Sur le papier cela peut ressembler à un conte moderne, mais en réalité ce n’est qu’un cauchemar. Même Dante dans sa Divine comédie n’aurait pu imaginer pire supplice que ce que Precious endure. Le film n’est qu’une succession de malheurs plus gros les uns que les autres. On en vient même à penser que cela ne finira jamais, et on a raison.

Mais ce qui agace par-dessus tout dans la trame c’est surtout le tire-larme que tente de mettre en place Daniels. Chaque séquence est calculée pour créer un rythme émotionnel sur le spectateur, alternant comédie et drame pour donner un côté humain aux personnages, mais qui finit par énerver. En outre le film s’enorgueillit de caméo comme on ne les a, soi-disant, jamais vus : Mariah Carey sans maquillage et Lenny Kravitz acteur. Film « freaks » alors, puisque le sujet n’est plus les malheurs de Precious, mais les différents corps qui se superposent sur la pellicule et interagissent. On n’est plus seulement là pour voir une histoire, mais pour voir des gens comme on ne les a jamais vus et oui comme dans les foires aux monstres au début du 19eme siècle.

On retrouve même dans le film le terrain boueux sur lequel se tenaient les caravanes. L’esthétique granuleuse, son côté crade, exprime encore une fois tous les défauts des films d’appellation sundance. Aujourd’hui, pour montrer les déviances de la société, les réalisateurs, et Lee Daniels aussi, ne trouvent plus d’autres moyens que dans le grain de la pellicule et dans la moiteur des appartements minables de New York.
Le titre éponyme du film implique le suivi quasiment fantomatique de la caméra sur le personnage, presque son fusionnement avec elle comme dans la littérature. Mais on en devient fatigué de suivre cet Atlas qui porte tous les malheurs du monde. Combiner dans un même personnage autant de fléaux fini par lasser et l’on se demande au fil de la narration ce qui va bien pouvoir lui arriver pire. Lee Daniels n’est pas avare de cruautés cumulées et improbables. Son film en devient plus une vision vulgaire de son personnage qu’un véritable regard précieux.

Precious
de Lee Daniels, sortie le 3 mars
avec Gabourey Sidibe, Paula Patton, Mariah Carey,Lenny Kravitz

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