Premier long-métrage bouleversant de réalisme. Félicia (Cécile Coustillac) est auxiliaire de vie auprès d’Anna (Liliane Rovère), atteinte de la maladie d’Alzheimer. Christian, le mari d’Anna n’arrive plus à supporter les difficultés de sa femme, son agressivité, ses oublis. Il abandonne la maison familiale. L’Absence est le premier film à traiter frontalement cette maladie terrible qui touche bon nombre de personnes. Cyril de Gasperis parvient à ne pas tomber dans le mélo et offre ainsi une fiction marquante, toujours proche de la réalité. Confinée dans des espaces restreints, la caméra entraîne Félicia dans le tourbillon de la démence, mettant à l’épreuve sa foi dans son métier. Dans chaque pièce de la maison mansardée, construite comme un labyrinthe, se perd l’hypothétique présence d’un mari absent et d’une malade hors champs. Là où l’on contemple une pièce vide, c’est toute une présence que l’on retrouve. La présence du souvenir, de quelqu’un ayant arpenté cette pièce. Mais surtout la présence de la voix qui habite et remplit à chaque fois le vide. Celle d’une insulte, d’un mot doux ou tout simplement parfois d’une discussion.
Il aurait été facile de tomber dans les clichés. Cyril de Gasperis sortant des banalités sur la maladie d’Alzheimer, échappe ainsi à la réalisation d’un remake français du Memento de Christopher Nolan. Ce n’est pas tant la maladie que contemple la caméra, mais les corps contaminés par celle-ci. Des corps vidés de leur substance vitale, de leur personnalité absente. Dans une pensée cartésienne, on aurait appelé ça l’âme, ce qui rend le corps humain vivant. Dans ce film les personnages sont dans le néant de cette âme, ils ne sont que des corps sans émotions, et parfois sans vie. L’architecture du décor, accumulation de pièces vides répond à ce que sont les protagonistes, cellules sans souches qui ne vivent que par et pour la routine. Les nombreux plans sur la préparation des repas et l’emplacement exacts de chaque couvert le prouvent. Aucun des personnages ne se sent vivre en dehors d’un quotidien macabre que l’on sait oublié demain. Mais on se surprend à rire des facéties d’Anna, lorsqu’elle donne une claque à son maître nageur sans aucune raison. La sortie du quotidien et du champ de la maison entraîne les deux personnages vers une forme d’espoir, de rédemption et de renaissance. Pour son premier film, de Gasperis ouvre une nouvelle voie à cette maladie jamais autant filmée par le cinéma avec une minutie proche de la perfection.
L'Absence
un film de Cyril de Gasperis, sortie le 10 mars 2010
avec Liliane Rovère, Cécile Coustillac, Jocelyne Desverchère
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