L’Europe fait son cinéma (Festival Cinéssonne)

Du 8 au 23 Septembre, le 12e Festival du Cinéma Européen en Essonne a encore une fois apporté son flot de nouveautés. Projetés dans la plupart des cinémas de la région, les films voyagent de salle en salle pour le plaisir et la découverte d’un public toujours assidu.



La Compétition Officielle marque par un éclectisme percutant. Les douze films sélectionnés ont pour la plupart de réelles qualités. Le festival s’attache à promouvoir des films européens qui pour la majorité ne sont jamais projetés en dehors de leurs pays.


Les œuvres présentées en compétition ont souvent comme leitmotiv les frontières et un vrai point de vue sur l’Europe.
C’est le cas par exemple de la comédie roumaine Wedding in Basarabia de Nap Toader. Avec une idée simple, un mariage entre deux personnes de deux communautés différentes (Slovaque et Roumaine), le réalisateur tente de mettre en avant les conséquences de la chute de certaines barrières par l’humour et la fête.
Sur un autre genre de dénonciations, celle des difficultés économiques liées à l’Europe, Slovenian girl (Damjan Kosole) narre le parcours d’une jeune étudiante qui se prostitue afin de payer ses études. Elle profite de la présidence de la Slovénie au Parlement Européen pour accrocher des clients diplomates. Décevant sur son intention esthétique, le film ne parvient pas à rehausser par ses propos.
Le film autrichien Der Kameramörder (Robert Adrian Pejo) située entre l’Autriche et la Hongrie trace la recherche d’un tueur d’enfant dans une atmosphère étouffante à la Haneke sans toutefois parvenir à trouver une réelle justesse et donner un sens à tout ce suspense.
Shahada, film allemand de Burham Qurbani traite quant à lui des différentes cultures et religions dans un pays en plein essor. Premier long-métrage, il ne manque pas d’effets de style et d’une bonne mise en scène pour un film choral proche de Innaritu et son Babel. Le cinéaste ne parvient toutefois pas à s’extraire de cette référence, mais il faut reconnaître à son auteur une certaine aisance dans le rythme et dans le choix des cadrages.


Les autres films de la Compétition Officielle moins communs par leurs thèmes n’en restent pas moins des œuvres visuelles intéressantes.
Metropia de Tarik Saleh, seul film d’animation du programme, œuvre entre 1984  de George Orwell et un mélange d’images animées et de prises de vue réelles.
Un film Hongrois a particulièrement retenu l’attention lors de ce festival, Adrienn Pal d’Agnés Kocsis. L’histoire d’une jeune infirmière un peu forte, qui travaille dans les soins palliatifs d’un hôpital, en quête de son amie d’enfance. Ce film émouvant et parfois dur par sa longueur (2h16) capte pourtant l’attention par l’élaboration scénique de la cinéaste. Sans complaisance avec son personnage, les plans qu’elle soumet sont dignes des très grands films sur le désoeuvrement et la recherche du « Soi ». Par son enquête sur son enfance, la protagoniste va se perdre dans les méandres de la ville qui la rejette toujours.


Le festival Cinéssonne aura surtout marqué cette année par l’arrivée de véritables perles cinématographique.
Le dernier voyage de Tanya (Aleksei Fedorchenko) est resté très présent dans les esprits après sa projection. Ce voyage dans le rituel mortuaire d’une Russie campagnarde a surtout inspiré par sa mise en scène digne de la distanciation des plus grands films d’Abbas Kiarostami. Ce film donne une idée de la campagne oubliée russe et de ses cultures. Se laisser transporter par ce film est un véritable plaisir visuel.
Le Quattro Volte, poème visuel italien de Michelangelo Frammartino, restera comme La découverte du festival, une véritable claque cinématographique. Rarement dans le cinéma, il aura été donné de voir autant de propositions tant visuelles qu’auditives. Ce film muet, filmé dans un village montagneux d’Italie laisse au spectateur le plaisir de vagabonder dans son esprit. Ce pur plaisir contemplatif relève d’une véritable jouissance de la vue. Proche des photographies d’Henri Cartier-Bresson avec ces perpendiculaires et son instant décisif. Le cinéaste semble capter des instants de vie dans un petit village oublié de tous les problèmes. Véritable transe audio-visuelle ce film ne laissera personne sans émotions qu’elles soient bonnes ou mauvaises.


Étrangement, les films français n’ont pas été à la fête lors de cette édition.
Des filles en noires de Jean-Paul Civeyrac, cherche à comprendre le malaise de deux adolescentes gothiques en proie à un désir de mort. Par son abondance de clichés, le film perd de son intérêt dès les premières minutes. On pense plus à la mauvaise image donnée à une jeunesse en marge, qu’aux propos mêmes du récit. Le cinéaste dépeint un certain groupe social en le regardant de haut sans parvenir à le comprendre.
Le même reproche peut être fait à Memory Lane de Mikhaël Hers. Son portrait d’un groupe d’adolescents se retrouvant pour les vacances d’été dans la ville de leur enfance paraît tout droit sorti des idées préconçues sur la jeunesse aujourd’hui dans ses goûts musicaux, sur l’amour ou encore les relations. La mise en scène, par la surabondance d’effets, allant du travelling qui ne sert à rien sur des arbres au ralenti plus que rebutant pendant une soirée, met le spectateur mal à l’aise. Il se perd dans les méandres d’un voyeurisme malsain avec une séquence érotique très longue et très crue. Du voyeurisme à l’abjection, il n’y a qu’un pas et Hers, malheureusement, y est tombé dedans des deux pieds.
Géraldine Bajard quant à elle essaie avec La Lisière de s’engouffrer dans le cinéma fantastique.  Un jeune médecin arrive dans une nouvelle ville et va être pris à partie par les jeunes, qui, comme une meute, ne parviennent pas à vivre les uns sans les autres. Ce film inspiré du Village des damnés de John Carpenter n’arrive pas à tendre vers l’horreur de l’animalité enfantine.
Mais il n’y a pas que les Français qui ratent leur coup. Mardi après Noël, du Roumain Radu Muntean, raconte une rupture douloureuse après une infidélité et ne réussit pas à se dégager de son opiniâtreté classique. Ce film ne laisse aucun arrière-goût tant il manque d’inventivité et de modernité sur les rapports humains.


Quoi qu’il en soit, le Festival du Film Européen en Essonne aura encore une fois marqué par son choix d’œuvres innovantes tout cela agrémenté de rétrospectives et d’invités d’honneurs tels que Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière, ou encore Olivier Assayas qui venait présenter Carlos, ou encore Mathieu Amalric venu faire une conversation avec les frères Larrieu… Bien d’autres rencontres et manifestations ont fait de ce festival un lieu de transmission et de débats où les films passent les frontières sans craindre de rester bloquer en douanes. Cela fait maintenant plus de dix ans que le festival offre un nouveau regard sur le vieux continent, il ne reste plus qu’à lui espérer tout autant pour les décennies à venir. 

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