Petit Carles contre les "Grands" (Fin de concession)

Avant même sa sortie en salle, Fin de concession créait déjà le « buzz » (quel mot déplorable!). Des extraits diffusés sur la toile, ont été repris par certains journalistes qui, sans avoir vu le film, le critiquaient éhontément. Mais Pierre Carles semble rodé, les sujets qui dérangent sont sa passion.
Après s’être attaqué au monde du travail avec le prodigieux J’ai très mal au travail, Il revient aujourd'hui à ses premières amours, la critique des médias. Au début de sa carrière, chroniqueur virulent pour de nombreuses chaînes hertziennes françaises, ses attaques prenaient toujours en exemple les émissions de l’époque et mettaient bien souvent patrons de chaînes et présentateurs dans un grand embarras.

Pierre Carles a changé. Loin du petit chroniqueur aux chemises bariolées des années 90, il est devenu un grand documentariste qui n’hésite pas, depuis ses premiers films; à mettre des coups de pieds dans la fourmilière. Dans Fin de Concession, il s’attaque à un géant, TF1. Sorte de lutte entre David et Goliath puisque lui, armée de sa fronde et de sa petite équipe d’amis va tenter de mettre à terre le tout puissant. Le documentaire dénonce le renouvellement automatique de la concession hertzienne de la première chaîne détenu par Bouygues alors que celui-ci ne tient pas les promesses qui lui ont valu d'obtenir TF1. Avec sa très grande ironie et à coup d’images d’archives, le réalisateur montre comment, sous la tutelle d’un Bernard Tapie plus manager et manipulateur que jamais, et à de mensonges et de promesses à l’emporte pièce l’équipe Bouygues a réussi le plus grand hold-up du siècle.

Mais entre action et remise en question, Pierre Carles signe surtout un film Work in progress empreint de la peur de ne pas en faire assez, de vieillir, de ne plus être aussi cinglant. Au fil des interviews et des rencontres son animalité reprend le dessus face à des hauts dirigeants ou des journalistes de la chaîne. Mais pas seulement, puisque sa critique des médias le pousse aussi à s'interroger sur d'autres journalistes et notamment celui d'une chaine « publique » cette fois, David Pujadas. Dénoncé par de nombreux opposants pour son côté lèche-bottes et proche du pouvoir, le présentateur du journal de 20h de France 2 devient ainsi la nouvelle cible du réalisateur. Carles lui décernera d'ailleurs le prix du bouffon du roi avant de repeindre son scooter en doré le tout sous l’œil effaré de Pujadas.

Parfois tangent dans ses actions ou encore dans ses entretiens, Pierre Carles sait aussi se remettre en question. Et c'est toute la force du film. Moins un documentaire sur TF1, Fin de concession met en lumière la manière dont travaille le cinéaste, comment il obtient des entretiens, sous une fausse identité, avec culot. Une vraie bonne leçon pour les futurs documentaristes.

Fin de Concession (sortie le 27 octobre 2010)
Réalisé par Pierre Carles

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