Comme un film ethnographique, le nouveau film de Guo Xiaolu tente une immersion dans la jeunesse chinoise et son désœuvrement.
Mei (Huang Lu) est une jeune chinoise de la campagne qui passe son temps entre son travail au billard et les sorties avec les garçons dans la ville la plus proche. Elle décide de tout quitter pour tenter sa chance à la ville. Mais cette fuite ne se fera que de déception en disgrasse.
D’abord prostituée dans un salon de coiffure, elle noue une relation avec le caïd du quartier Spikey (Wei Yibo) qui se fait tuer. Avec son argent afin elle quitte le pays. Arrivée à Londres, elle enchaîne les petits boulots (mannequin pour cours d’anatomie, masseuse), et rencontre Monsieur Hunt (Geoffrey Hutchings) qu’elle épouse pour sa condition. Mais rien ne la comble et elle fini dans les bras du livreur Rachid (Chris Ryman) qui l'abandonne finalement pour retourner en Inde, son pays, alors que celle-ci est enceinte de lui.
Le scénario fortement centré sur le personnage de Mei tente de mettre en exergue la jeunesse des jeunes filles de la campagne chinoise. Celles-ci ne vivant que dans l’utopie d'un avenir meilleur par le départ vers une grande ville. Mei va même plus loin puisque qu’elle franchit les barrières de son propre pays pour vivre son rêve. Loin de la noirceur de son quotidien, elle espère des lendemains qui chantent et met tout en place pour arriver à ses fins.
Mais la seule chose qu’elle possède vraiment c'est son corps. Elle devient alors un produit « made in china » importé pour combler les fantasmes masculins. Son rêve d’évasion sera finalement un cauchemar.
Guo Xiaolu, plus connus pour ses documentaires comme Once Upon a Time Proletarian (2008) ou encore How is Your Fish Today ? (2006), garde pour cette fiction un style nerveux, caméra épaule et surtout utilise la lumière naturelle qui retransmet parfaitement les vicissitudes de la campagnes chinoises.
Il y a dans cette œuvre un regard neuf sur la jeunesse désœuvrée d’un pays. Comme pouvait le faire Jean Rouch à son époque avec Moi, un noir (d'ailleurs, le titre original She, a chinese est en référence directe à l’ethnographe). Comme le Français, Xiaolu pose un regard sur la société chinoise, mais aussi sur la mondialisation et le déclin d’une civilisation. Dans Une Chinoise, même le corps devient un produit comme les autres que l’on achète ou que l’on vend afin de survivre.
La seconde partie du film, en Angleterre repose sur ce principe d’échanges entre la protagoniste et un vieux Monsieur qui l’épouse afin de ne pas être seule. Elle devient une marchandise parmi tant d’autres. Utile à combler la solitude ou encore les fantasmes asiatiques du genre de l’Empire des sens pour le jeune Rachid.
Un petit bémol, cependant, dans la construction narrative du film. Écrivain de formation, Xiaolu a gardé des "tares" de sa première passion, les voyages incessants de son personnage sont ponctués d’intertitres. Ce dispositif, comme les chapitres d'un roman ou un journal intime, tend parfois à la sur explication de son histoire et perturbe l'auditoire.
Hormis cette petite transgression entre les deux arts, le film Une Chinoise reste un solide document sur la jeunesse chinoise et son empreinte qu'elle laisse dans le temps.
Une Chinoise (Sortie le 8 septembre 2010)
Un film de Guo Xiaolu
Avec Huang Lu, Wei Yibo, Geoffrey Hutchings, Chris Ryman,…
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