Une contemplation de la nature Kurde qui se regarde aussi avec les oreilles. Shaharam Alidi réalisateur Kurde-Iranien raconte l’histoire de son pays avec une délicatesse à laquelle on ne s’attend pas. Alidi raconte l’histoire de Mam Baldar, messager qui enregistre les paroles des uns des autres comme certains envoient des lettres. Son métier l’oblige à parcourir le pays. À travers son pare-brise il le voit évoluer et se faire martyriser par l’armée irakienne. Le réalisateur ne tient pas seulement une chronique sur les persécutions du peuple kurde, il a l’art et la manière de rendre compte d’un pays, à l'instar d'Abbas Kiarostami, son collègue de l’école de Téhéran.
Shaharam Alidi prend le temps de filmer les montagnes, le désert et de poser un regard sur cette nature. Il comprend l’âme humaine à travers ce voyage et son guide. Le messager est le propre spectateur des changements du Kurdistan et de l'incompréhension de la guerre. Celle-ci se livre à la fois armée ou avec des ondes, du son. Balbar est un résistant, il gagne sa guerre en confiant les messages au vent pour qu’il les porte par delà les frontières.
Les Murmures du vent racontent l’histoire d’un pays dans une époque trouble, sans complaisance. Il n’est pas question de refaire l’histoire mais de laisser une trace. Comme l’image de ce nain laissant un message audio à Balbar et l’écrivant sur la crasse de sa voiture. Un message effacé dès les premières pluies.
De ce film, on retiendra surtout la magnifique utilisation du son. Non plus en tant que symbolisation de l’image, mais comme fil conducteur de la narration. Le vent emporte le récit comme il fait voltiger une feuille d’un lieu à un autre. C’est cet élément qui emporte les prières des âmes damnées vers Dieu comme dans cette magnifique scène où Balbar accroche son poste à un arbre sur une colline laissant le vent conduire les messages à leurs destinataires. Alors que chez Kiarostami et son poème visuel, le vent emporte les hommes, dans Les Murmures du vent, le réalisateur les déporte vers une autre destinée, celle d’un pays meurtri dans trop d’années de guerre.
C’est avec considération et respect que Shahram Alidi filme ses personnages sans larmes, ni fracas. Sa vision de la guerre comme de la résistance auditive exprime la seule liberté encore possible de nos jours, celle de la parole à condition qu’elle ne soit surtout pas prononcée trop fort.
Avec une esthétique hors du commun Les Murmures du vent est un véritable poème auditif et visuel. Shahram Alidi réussit à faire de son œuvre une force contre la nature humaine et redonne un espoir dans les éléments qui entourent chaque pays. Il murmure sa douce mélancolie avec enchantement.
Les Murmures du vent
un film de Shahram Alidi, sortie le 31 mars 2010
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